dimanche 15 décembre 2013

La drosophile «soigne» ses enfants à l'alcool

La mouche drosophile pond ses œufs dans un milieu protecteur riche en éthanol lorsqu'elle sait que des guêpes parasitoïdes rôdent dans les environs. L'alcool, c'est la santé. Ce n'est pas les drosophiles qui diront le contraire. Des chercheurs de l'université Emory d'Atlanta ont déjà démontré l'année dernière que les larves de cette mouche résistaient mieux aux attaques des guêpes parasitoïdes lorsqu'elles baignaient dans une solution contenant de l'éthanol. Ils expliquaient dans la revue Current Biology que la guêpe réfléchissait alors à deux fois avant de pondre ses œufs dans les rejetons de la drosophile, opération qui transforme ces larves en garde-manger vivants pour sa propre descendance. Quand bien même la guêpe s'y résolvait, une grande partie de ses «embryons» souffraient de la présence d'alcool dans l'organisme de la larve. Six sur dix en mourraient. Plus étonnant, les bébés drosophiles se mettaient en quête d'alcool immédiatement après avoir été infectés.

Des larves de drosophiles plongées dans un milieu nutritif contenant 6% d'alcool ou sans alcool.
Des larves de drosophiles - couleurs claires - plongées dans un milieu nutritif contenant 6% d'alcool (rouge) ou sans alcool (bleu).

La même équipe américaine va encore un peu plus loin aujourd'hui. Dans un article publié dans Science , ils démontrent que cette stratégie de défense est aussi connue des mouches adultes. En présence de guêpes parasitoïdes femelles, les drosophiles pondent 90% de leurs œufs dans un milieu riche en alcool contre 40% en temps normal. Le bénéfice est immédiat: près de 60% de ces œufs donneront des mouches contre moins de 10% pour ceux plongés dans un environnement sans alcool. Cette forme de «réponse immunitaire comportementale inscrite dans les gènes» fascine les chercheurs américains.

La drosophile distingue différentes espèces de guêpes

«C'est très intéressant», reconnaît Alain Vincent, spécialiste de la drosophile au Centre de biologie du développement (CNRS UMR 5547, université Toulouse III). «La drosophile est non seulement capable de distinguer de façon innée les guêpes mâles et femelles, mais elle reconnaît aussi différentes espèces et adapte sa ponte en fonction de ce paramètre.» En présence de mâles ou d'une espèce de guêpe qui ne s'en prend pas à ses larves, les drosophiles privilégient un milieu dépourvu d'alcool, moins nocif. Pour les auteurs, la mouche atteint cette précision d'analyse uniquement par la vue. Alain Vincent est plus sceptique sur ce point et attend «des expériences complémentaires» permettant notamment d'exclure l'olfaction de façon plus convaincante.
Le chercheur note aussi que les explications neurobiologiques invoquées dans l'article sont «un peu rapides». Ces dernières évoquent le rôle présumé du «neuropeptide F», une substance présente dans le cerveau des insectes pour expliquer pourquoi les drosophiles mâles se soûlaient aux fruits fermentés pour noyer leur frustration sexuelle. Un neurotransmetteur équivalent présent chez l'homme, baptisé neuropeptide Y, expliquerait l'empressement des scientifiques à évoquer cette piste: cette petite molécule est «à la mode» chez les biologistes. Elle serait notamment impliquée dans la régulation de l'appétit, de la sexualité, de la température corporelle ou de la pression artérielle et suscite donc de nombreux espoirs, aussi lointains que flous.

La vie de mon aquarium
Thomas 

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